vendredi 3 juillet

Avion Air Canada à 13h30 pour Montréal. Guillaume M. m’a accompagné en voiture à l’aéroport Charles de Gaulle, fort heureusement car les deux valises, contenant chacune les céramiques, pesaient une trentaine de kilos pièce. 

L’attente dans les aéroports est toujours un peu étrange. Des boutiques de duty-free, toujours identiques, parfums, sucettes chupa-chop géantes, toblérone, alcools, cigarettes, un no man’s land commercial où tout les passagers en instance font le pied de grue. Les jeunes enfants s’énervent, les adultes attendent sur les sièges des halls d’embarquement alors qu’ils vont encore passer des heures assis sur les sièges de leur avion.



A côté de moi dans l'avion, je discute avec un canadien francophone, québecquois, d’environ 35 ans. Il m’apprend qu’il est originaire du New-Brunswick, né à Bathurst (c’est à dire juste à côté de Caraquet), et qu’il habite actuellement à Moncton, une maison près de la baie de Fundy (Moncton étant proche de la deuxième destination de mon voyage le 26 juillet : Sackville). Il était foreur et est devenu superviseur de puits de pétrole. Il travaille en ce moment en Algérie, dans le Sahara : 36 jours de travail là-bas, à raison de 14 heures par jour, 7 jours sur 7,  puis 28 jours de retour au pays (et justement c’est maintenant). Il travaille pour une société basée à Dubaï, qui l’envoie là-bas. Les conditions semblent difficiles. Ils sont sans cesse accompagnés par l’armée qui les protège. Un jour, il y a eu deux soldats tués dans une embuscade. Apparemment, leur travail consiste à remettre en route des puits qui ont été abandonnés après la guerre d’Algérie, les ingénieurs emportant avec eux tous  les documents techniques. Pour chaque puits ainsi remis en état, cela coûte des mois de travail et près de 15 millions de dollars. Vu l’investissement, c’est dire le bénéfice qu’ils comptent en tirer par la suite.

Arrivés à 15h15 heure locale, nous avons continué la conversation à l’aéroport de Montréal. Il attendait son avion pour Moncton, j’avais trois heures à attendre le mien. Il est marié, sa femme est enceinte de 4 mois. Il a fait six ans d’études - 2 de psychologie, 2 de je ne sais plus quoi et 2 de programmation informatique - et au final il a fait foreur pour rembourser ses dettes d’études et il l’est resté. Il l’a été pendant 8 ans dans le Grand Nord, par -50°C et maintenant il l’est dans le Sahara, par 45°C le jour et 38° la nuit. Une vie difficile apparemment, rude, où il faut une sacrée force morale pour tenir le coup, à cause de la solitude des endroits où les forages ont lieu. Mais le gain attendu est si important qu’il emporte toute résistance. Pour ceux qui tiennent le coup en tout cas.

En discutant, il a entendu le dernier appel avant l’embarquement. “Martin”, m’a-t-il dit en me serrant la main avant de disparaître en courant vers son avion.



J’ai mangé chez Tim Hortons, une chaine fast-food typiquement québecquoise : soupe et bagel à la crême. Attendu deux heures l’avion pour Bathurst. Il s’est mis à pleuvoir. L’avion était un Bombarbier Dash 8 à hélices. Les agents nous ont prévenu qu’il y avait peu de visibilité sur Bathurst et que l’avion pouvait être dérouté sur Moncton. Nous avons décollé, le ciel était effectivement très bouché, plafond de nuages épais comme une mer en mouvement. Finalement l’avion est resté une demie-heure au-dessus de Bathurst à tourner en rond en attendant une éclaircie possible. Puis, il a fait demi-tour et nous sommes retournés à Montréal. Il était minuit heure locale, soit 6h du matin heure de Paris, et j’étais vraiment totalement endormi.