samedi 4 juillet



Ce matin, au petit-déjeuner, j’ai rencontré un contre-maître d’une cinquantaine d’années, André. Lui aussi, comme Martin le foreur, travaille sept semaines dans le Nord Ouest, puis rentre deux semaines à Bathurst. Lorsqu’il travaille là-bas, c’est 12h par jour, 7 jours sur 7. Il y fait -50° l’hiver, mais lui ne le fera certainement pas et arrêtera son contrat en octobre. Il s’occupe de construire des routes qui vont permettre de mener à trois mines de diamants. Ces routes sont uniquement des routes d’été. Elles sont très rudimentaires, pas asphaltées, mais doivent permettre le passage des camions de transport. Les machines outils sont immenses, adaptées à l’immensité des lieux. L’hiver, ces routes ne serviront plus, car elles seront recouvertes par la neige et la glace. Il faudra alors baliser de nouvelles routes. Et puis, au retour de l’été, les anciennes routes seront remises en état et resserviront. 

Pour l’instant, il y fait jour 24h/24 : le soleil tombe un au bout de l’horizon à la fin e la journée et y rebondit pour repartir pour un tour. Ils sont 65 à y travailler, dont un médecin. Ils font les 2/12. Il n’y a pas d’alcool, ils ont formé un groupe de musique, ils ont la télé et les DVDs évidemment. La vie collective semble dure mais solidaire. Ils sont tous pour le challenge et pour l’argent, car ils gagnent en 4 mois ce qu’ils gagneraient sinon en 1 an. 

Parfois, les Inuits tout proches viennent les visiter. Ils arrivent en canot et sont particulièrement intéressés par leurs sacs de sel, qui semblent être leurs diamants personnels, en terme de valeur.

Il a choisi cette vie par plaisir de l’aventure. Auparavant, il a travaillé 20 ans dans une usine de plomb et aluminium, pas loin de chez lui, mais avec les risques pour la santé, le fait que ses enfants aient grandi et son désir de nouveau challenge, son choix a été vite fait.

Il est lui-même originaire de Bathurst, sa famille y est établie depuis 10 générations, dans la même maison, ses enfants de 24 et 19 ans y vivent et veulent y rester. Un vrai acadien ! Un vrai enracinement, assumé. Cela me fascine, moi qui n’ai aucune racine, à part une culture juive prégnante mais pas communautaire.

Je lui ai demandé si c’était très “canadien” cette façon de travailler, puisqu’il était la seconde personne que je rencontrais qui vivait ainsi. Il m’a dit que oui, peut-être bien. Ce pourrait être lié à l’activité ancestrale de la pêche, avec les longues campagnes au large, au travail des bucherons - son propre père partait ainsi des mois pour l’élagage des forêts - ou des trappeurs bien avant. Il pense que 40% de la population travaillerait ainsi. Le fait que les distances dans le pays soient immenses joue aussi : quand on part travailler loin, il n’est pas question de revenir passer le week-end à la maison. Ainsi, si lui dans le Nord Ouest voulait aller faire un tour, il lui faudrait huit jours de route pour arriver à un endroit habité.


Il m’a vanté la chaleur des acadiens, leur hospitalité, et c’est vrai qu’ici les gens parlent assez simplement entre eux, même sans se connaître. “d’où venez-vous ?” “Qu’est-ce que vous faîtes ?”, etc... Le contact est immédiat. On parle de sa famille, de ce qu’ils font comme travail, de ce qu’il leur est arrivé. Les liens se font rapidement, certainement aussi parce que tout le monde connait quelqu’un ici ou ailleurs très facilement, vue la densité de population et les distances. 

                                                    

A l’aéroport de Bathurst, j’ai été accueilli par Albert, le père de Sébastien qui s’occupe de la gestion du symposium et ne pouvait venir. Albert a une bonne cinquantaine et est extrémement affable. Il est comédien, donne des conférences, tate de la peinture, a 6 enfants de trois femmes, dont une suédoise. Il habite Caraquet depuis 4-5 ans. Il me parle assez rapidement du fait qu’il ne boit plus depuis plus de 20 ans, plus une goutte.


La route qui mène de Bathurst à Caraquet est très boisée, et puis tout à coup on voit la mer. Elle est grise aujourd’hui, comme le temps frais et humide. 

Albert m’emmène chez Robert Landry, le directeur du centre culturel de Caraquet, qui collabore au Symposium.


La première chose que nous faisons est de manger du homard !



  

Il y a sa femme Joanne qui est présente. Elle fait partie d’une famille de 14 enfants et est elle-même la treizième. Deux de ses soeurs sont présentes : Berthe et Monique. Nous allons ensuite tous ensemble dans une boîte qui vient juste de rouvrir “La grande maison”, et dont le thème de la soirée est une spéciale Michaël Jackson. 

Il se révéle que la soirée n’a rien de spéciale, mais que c’est juste l’occasion de découvrir des bières québecquoises.